Roses trémières
Eve, Néfertiti, Cécile, Guenièvre, des femmes historiques très connues…dont on ne sait rien. L’occasion pour la romancière de laisser libre court à sa créativité. Le manuscrit ayant été accueilli par les Editions de l’Harmattan, le recueil sera publié encore cette année 2023.
Eve, enceinte, se pose des questions sur l’interdiction posée dans le Jardin d’Eden, elle décide d’en discuter avec les animaux :
« Dans sa maison de verre au sommet de la falaise, Eve se trouvait seule à ressasser l’énigme : pourquoi l’Eternel pose-t-il une interdiction dans un monde parfait ? » Elle voulut en débattre avec d’autres animaux, quand bien même cette loi ne les concernait pas. Elle invita quelques amis, le lion, l’agneau, le singe, le renard et les oiseaux sur sa terrasse dominant la mer. Le lion, qui venait pour la première fois, lui dit en regardant l’horizon : « Comme je vous vois bien installée ! Nous avons des points communs, ma chère : moi aussi, j’aime voir loin. »
Nefertiti semble avoir disparu peu après la mort d’Akenaton. Sa tombe est encore introuvable :
« Je suis de nature lumineuse. Lorsqu’au crépuscule, je contemple les nuances changeantes, les vastes espaces translucides, j’éprouve une nostalgie, comme si là-haut était mon lieu. Je ne veux pas de tombeau. Je veux retourner à la poussière. Faire partie du désert, chauffer avec les pierres, voler avec les vents. »
Le sculpteur Stefano Maderno se voit confier la sculpture de sainte Cécile pour la nouvelle église du Trastevère.
« Je n’ai pas sculpté un corps ; j’ai sculpté une âme. Ou dirais-je, c’est elle qui m’a sculpté. Oui, indubitablement : c’est moi qui ai pris sa forme. Elle a procédé à l’équarrissage de mes certitudes. «
Guenièvre, reine des Pictes fait alliance avec Arthur :
« Guenièvre avance. Le silence s’est installé pour lui faire place. Il a fermé les bouches, il a figé les gestes. Autour d’elle flottent la plus fine des étoffes et le plus voluptueux parfum. On voit ses seins s’égayer sous le tissu. Son corps ruisselle de l’or de ses colliers. La lumière fait parler les signes de ses fibules, elle glisse sur les triskèles. Elle fait flamboyer les rubis. Elle souligne le torque d’or, emblème de noblesse. Guenièvre avance, avec la victoire au-dedans d’elle. Ses anneaux de chevilles tintinnabulent. Ils peuplent le silence de leur cliquetis. Les bijoux de bronze moulé racontent les commencements du monde. Ils ornent les pieds de Guenièvre, ce sont des pieds de reine. »
Quant à Georgette, née de père inconnu en 1906, c’est elle, la rose trémière :
« Elle n’aimait pas les roses, trop guindées. Elle aimait les trémières, qui s’installent là où elles veulent et se contentent d’une fente dans un muret. Elles abritent les charançons et les cordonniers qu’elles nourrissent sans se préoccuper des trous qu’ils lui font, et quand elles fleurissent, ça ne s’arrête jamais, elles ont toujours des fleurs, toujours au moins une, jusqu’aux premières neiges. »
Illustrations de Valérie Leuba